mercredi 20 janvier 2010

Initials SG

J'ai grandi avec Gainsbourg. Les yeux cernés, la chemise en jeans, le whisky dans une main, la Gitane dans l'autre... Serge Gainsbourg reste une des figures emblématiques de mon enfance. Ce n'est pas non plus pour cela que j'ai mal tourné. Enfin, il me semble.

Hier, j'ai croisé pour la première fois l'affiche du film "Gainsbourg, vie héroïque" dans le métro. C'est-à-dire celle sans la fumée de cigarette et j'ai eu un éclair de dégoût pour notre époque. La société Métrobus pense-t-elle vraiment appliquer la loi en s'acharnant ainsi ? Notre société pense-t-elle vraiment nous sauver en exilant les fumeurs sur les terrasses ou en s'attaquant aux happy hour ? Triste société qui s'oublie en s'interdisant la liberté...

Alors le quidam se raccroche à ce qu'il peut. Et c'est dans cet artiste meurtri qu'il se retrouve aujourd'hui. Serge Gainsbourg n'a rien d'un héros. C'était un type bourru qui avait de l'ambition. Mais c'était un génie artistique. C'était un quidam comme vous et moi mais il a su ouvrir sa gueule. C'est son rapport brutal à la vérité et la liberté qui fait de lui, aujourd'hui, dans notre époque aseptisée, une icône.

Il y a quelques mois, j'ai rencontré Eric Elmosnino, l'homme qui joue Gainsbourg dans le film de Joann Sfar. C'était pour un projet de fin d'école de journalisme (en partenariat avec le magazine masculin GQ) et l'idée d'une Une gainsbourienne nous faisait rêvé. J'ai tout de suite aimé sa simplicité, sa voix posée et sa manière de parler de Gainsbourg avec raison et sentiments...

A l'occasion de la sortie du film (que je vais enfin pouvoir voir...), je ressors du tiroir cette interview. J'avoue, nous avons fumé pendant cette rencontre, gelés que nous étions sur la terrasse des Grandes Marches à la Bastille. J'avoue que j'ai passé un très bon moment. C'était comme rencontrer un morceau de Gainsbourg, une pièce rapportée qui aurait fait doucement, lentement, son chemin afin d'arriver jusqu'à moi, un membre jusque-là pas totalement conscient d'avoir du Gainsbourg en lui mais qui en suivant le poète, l'artiste, le précurseur aurait vu germer cette particule très spéciale.

Finalement, une particule très française. Si on aime autant Gainsbourg, le chieur et l'artiste, si on étale son portrait en couverture de nos magazines et revêt son look pas net, c'est que nous sommes tous en quête de liberté.

Voici donc cette interview montée version GQ : Eric Elmosnino, un homme à fables

Interview réalisée en collaboration avec Sibylle Laurent.
Merci au vrai GQ pour sa collaboration.

lundi 18 janvier 2010

Le panel représentatif, c'est une mauvaise idée

Le 25 janvier, la télé va encore prendre un coup dans le bide. L'affiche Marine Le Pen - Eric Besson vous semblait putassière ? TF1 vous propose encore mieux : Nicolas Sarkozy rien que pour vous (en deux parties). On commence par une invitation au JT avec des questions à la Laurence Ferrari puis on enchaîne sur un « débat » entre le président de la République et des bons citoyens triés sur le volet. Cette émission sera présentée par Jean-Pierre Pernault. Je vous laisse imaginer le niveau d’irrévérence qu’on va atteindre lors de cette soirée spéciale.

Depuis la dernière campagne présidentielle et le « A vous de Juger » de France 2, c’est devenu une mode de faire interagir une personnalité politique avec un panel de citoyens sélectionnés. C’est pourtant une évidente vaste fumisterie. Dix pèlerins ne sauraient faire passer le message de tout un pays. Et dix citoyens n’ont absolument pas les compétences pour faire face à un homme politique coaché jour et nuit à débiter son bon programme. C’est une nouvelle preuve de la mort du journalisme politique, mise à mort orchestrée par le président lui-même. Un conseiller élyséen a d’ailleurs expliqué que Jean-Pierre Pernault avait été choisi car il est « au plus près du quotidien des Français ». Oui, maintenant, en politique, il vaut mieux connaitre le nom du postier de Pont-Aven qui collectionne les timbres plutôt que le programme du groupe majoritaire à l’Assemblée nationale. C’est vrai, on est con, nous, à s’embêter avec la taxe carbone et tout le tralala. Pernault, c’est un précurseur, il a compris les choses avant tout le monde. Il accueille le président, bras ouvert, toujours bien peigné et prêt à faire parler la vraie France.

En s’asseyant à côté d’un des journalistes préférés des française, Nicolas Sarkozy espère aussi reprendre des couleurs et remonter dans les sondages. Et ça, à quelques semaines des régionales, ça n’a pas de prix. L’UMP doit triompher, c’est une obligation. Alors la première chaîne ouvre son canal au roi afin qu’il puisse gentiment faire la leçon aux citoyens qui n’ont pas l’air de bien comprendre son action, pourtant si brillante. Face à des citoyens lambda, le président va pouvoir aisément dérouler son baratin. Sans un péage sur l’autoroute.

La seule chose qu’on adore avec ce genre d’émission bien basse intellectuellement, c’est ce panel dit représentatif. On allume TF1 et dix personnes sont censées représenter la France. Je trouve ça génial. Aura-ton encore le droit à l'handicapé qu’on réconforte d’une tape dans le dos, au patron de PME que Sarkozy va pouvoir embrouiller avec la taxe professionnelle, au bon musulman (c’est-à-dire l’auvergnat, celui qui mange du porc), au chômeur qui s’inquiète pour la Sécu, au fonctionnaire pas syndiqué qui finalement comprend très bien pourquoi on privatise la Poste… ? C’est magnifique ce qu’on peut faire avec un panel représentatif. Surtout quand il est bien briefé avant.

En allant chercher des informations sur le site de TF1, j'ai découvert avec surprise et dégoût les premières images de la "Ferme Célébrités en Afrique". C’est affreux, ils ont un plateau avec du motif panthère et zèbre de partout et des images de la savane comme dans le Roi Lion. J’aime aussi le fait que cette histoire se passe en Afrique. Pas en Afrique du Sud précisément, non, non, en Afrique. Tout court. Point barre. C’est beau la culture chez TF1.

C’est beau la capacité à l’esbroufe aussi. C’est certainement pour cela que Nicolas Sarkozy et Martin Bouygues sont si potes. Alors soyons francs, arrêtons d’appeler ça un « débat ». Le 25 janvier, on aura surtout le droit à un nouveau divertissement made in TF1 qu’ils auraient pu appeler : "Je suis une minorité, sortez-moi de là." Il y aura des zèbres, des phacochères et le Roi Lion qui remportera la partie pas parce qu’il le mérite mais parce qu’il est le Roi.

vendredi 15 janvier 2010

Vincent Peillon n'est pas un guerrier

Vincent Peillon n’est pas venu. La dernière fois, il se plaignait que Ségolène Royale débarque sans invitation à un rassemblement dont il devait être la vedette, ce coup-ci, on attend que lui et personne ne vient. Le Parti socialiste n’a donc pas encore retrouvé sa tête.

Hier soir, Vincent Peillon, député européen, était invité par Arlette Chabot afin de débattre d’identité nationale avec Eric Besson, ministre de l’Immigration et des reconduites à la frontière, ex-socialiste reconverti au sarkozysme nationaliste. Au programme de la première partie, un débat Marine Le Pen – Eric Besson afin d’entendre ce que la droite et l’extrême-droite peuvent penser de pire. J’avoue tout de suite : je n’ai pas regardé. Pour tout vous dire, je n’ai pas la télé et même si je l’avais eu, j’aurais fait la même chose. J’aurais regardé Out of Sight de Steven Soderbergh, j’aurais lu quelques chroniques de Stéphane Guillon dans son recueil On m’a demandé de vous calmer et j’aurais attendu le lendemain matin pour voir une vidéo de la seconde partie de l’émission (avec Peillon) et lire les analyses des journalistes. Imaginez ma déception. Premièrement, c’était un mauvais Soderbergh, deuxièmement, j’ai oublié Guillon dans mon lit et je n’avais plus rien à lire ce matin dans le métro et rien à regarder en buvant mon café au bureau. Déception et hallucination.

Il me paraît totalement aberrant qu’un responsable socialiste se permette d’humilier ainsi le service public. Cela peut semble idiot, mais pour moi, le socialiste de base se doit de respecter le service public. Un responsable socialiste encore plus. Je trouve un nombre incalculable de défauts à Arlette Chabot mais ce que Vincent Peillon a fait hier soir me dépasse. Ça sent le coup de com’ mais c’est tellement foireux qu’on se demande qui a bien pu le conseiller… Regardons à nouveau la vidéo. Oui, Vincent Peillon a préféré envoyé un mot, un communiqué, plutôt que d’affronter lui-même Eric Besson et Arlette Chabot (c’est tout de même elle, la journaliste-présentatrice-directrice-générale-adjointe-de-la-chaîne-publique, chargée de l’information qui se retrouve en carafe avec un invité de moins). Le très mauvais conseiller en communication de Vincent Peillon a quand même oublié un détail. Face à ce genre de situation de tension, un journaliste réagit. Se défend. Lit le communiqué en l’entrecoupant de ses propres réflexions dégommant d’un coup tous les arguments soutenant l’absence de Peillon. Le petit mot c’est sympa mais un peu unilatéral. C’est quand même dommage qu’il n’y ait pas pensé avant… Pourtant, on sait maintenant qu’il avait pris sa décision 48h auparavant… Ce n'est donc pas un coup de tête, il avait donc intentionnellement décidé d’humilier France 2 , intentionnellement décidé de laisser une place vide alors que, c’est bien connu, les absents ont toujours torts.

Plus besoin de chercher, c’est le coup de com’ raté de l’année 2010. Peillon peut directement aller rejoindre le cimetière des éléphants. Personne ne suivra un homme qui refuse le dialogue, n’expose pas ses idées et n’est pas présent quand on a besoin de lui lors d’une bataille. Martine Aubry vient d’apporter son soutien à Peillon. Selon elle : « Vincent Peillon souhaitait pouvoir dire ce qu'est vraiment l'identité nationale pour nous, c'est à dire l'égalité (...) la France des droits de l'Homme (...) et puis il a découvert que ce débat avait d'abord lieu entre Eric Besson et Marine Le Pen et qu'il était relégué en deuxième partie. Et il s'est bien rendu compte que ce débat allait du coup porter essentiellement sur l'immigration. » Le PS manque une nouvelle fois d’assurance. Un débat, ça se tient, ça se contrôle. Il ne faut pas attendre un boulevard pour s’exprimer. De temps en temps, il est bon de savoir manier de la machette dans la jungle pour faire apparaitre le vrai dans le touffus. Vincent Peillon n’est pas ce genre de guerrier.

Grâce à lui, le débat de France 2 a surtout été révélateur de notre pays à l’heure actuelle. Le PS refuse de combattre pour ses idées et la droite dispute les voix de l’extrême-droite. Merci Monsieur Peillon pour cet éclairage.

mercredi 6 janvier 2010

Les quotas ou pas

Je n'aime pas les quotas. Les quotas créent une discrimination et bien qu'on essaye de nous faire croire depuis le début des années Sarko qu'il peut en exister une positive, de discrimination, c'est tout bonnement faux. En faisant passer certaines personnes en priorité, on en exclut d'autres. Comme d'habitude, on a retourné le problème, inventé un concept Benetton et espéré que ça passe.

Mais lorsqu'il s'agit d'appliquer cela aux grandes écoles, à l'élite de la nation... les choses apparaissent moins faciles. D'un côté, on trouve Richard Descoings, innovant directeur de Sciences Po Paris, chantre de l'ouverture des grandes écoles à la "diversité", qui est régulièrement félicité par Nicolas Sarkozy et Valérie Pécresse. Depuis 2001, il a ouvert Sciences Po aux ZEP en développant des programme d'aides pour les lycéens. Grâce aux Conventions d'Education Prioritaire, c'est une remise à niveau associée à un pep-talk pré-concours qui est donné aux élèves volontaires. L'intérêt c'est aussi de montrer à des jeunes qui se sentent exclus que les portes ne leur sont pas fermées, qu'en travaillant ils peuvent accéder à ce qui leur semble intouchable et surtout, SURTOUT, que ce n'est pas une histoire d'argent. Les grandes écoles ont un système de bourses depuis des années. Les concours et la scolarité sont donc ouverts à tous. Sciences Po a été suivi par d'autres écoles car, c'est bien connu, plus on apporte de l'aide tôt dans la scolarité, plus on fait des miracles. Dans la même optique, l'Essec a lancé le programme Une grande école, pourquoi pas moi ?". Notons aussi l'initiative des anciens de l'IPJ du CFJ qui permettent , avec leur Chance aux concours, d'ouvrir les écoles de journalisme à ceux qui n'ont pas de quoi se payer les prix exorbitants de ces concours.

De l'autre côté du débat, on trouve Pierre Tapie, président récemment élu de la Conférence des grandes écoles (CGE). Après avoir bafouillé que cette initiative allait faire "baisser le niveau des écoles", il s'est expliqué et s'est dit favorable aux 30% de boursiers. Retourne-t-il subitement sa veste? Et bien non. Il pointe seulement la différence entre l'objectif et l'obligation. Oui, on espère et on travaille assidument pour que ce résultat devienne réalité mais non, on ne crée un système à deux vitesses qui créera frustration et creusera le fossé entre les différentes classes sociales.

Cette affaire est devenue polémique car une nouvelle fois on mélange tout, on se prend les pieds dans la sémantique. Je vois personnellement un schéma très simple pour débrouiller cette histoire : rendre les concours accessibles aux jeunes issus des quartiers défavorisés/des écoles défavorisées en réaffirmant l'importance de l'éducation et de la culture générale (sans oublier l'histoire-géo bien que le gouvernement a l'air de trouver ces matières facultatives) et en mettant les affaires de sous de côté afin que ces bacheliers passent les MEMES concours que tous les autres (écrits et anonyme). Le nombre de boursiers augmentera naturellement, intelligemment. On ne pointera pas les 30% du doigt en disant "c'est eux!" mais on se félicitera de la nouvelle diversité de la population des grandes écoles. Et donc, de notre future élite.

Soyons un peu osés, soyons réalistes (demandons l'impossible) : il ne faut pas de voie privilégiée, il faut arrêter de segmenter la société, il faut réviser l'intégralité du système éducatif, de la maternelle aux études universitaires, marteler les langues plutôt que de faire apprendre la lettre de Guy Moquet, valoriser les classes pro au lieu de foutre dehors les étudiants perdus dès qu'il redouble une année universitaire, soutenir les professeurs, impliquer les parents, ne pas récompenser les ados parce qu'ils sortent de leur lit tous les matins mais féliciter les méritants (oui, les encouragements et les félicitations forgent l'ego). Je n'aime pas les quotas car ils annihilent les efforts alors que ce sont justement ces efforts qui font les personnalités. Et ils me semblent que c'est justement cela que les grandes écoles recherchent lors de leurs concours.